L’arrêt Baldus, une jurisprudence fondatrice du droit des contrats

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Le 3 mai 2000, la Cour de cassation a rendu un arrêt de principe qui est devenu une référence en matière de dol dans les contrats. Derrière ce nom un peu obscur d’arrêt Baldus se cache en réalité une décision cruciale qui a clarifié les règles encadrant les vices du consentement dans notre droit.

Une affaire de photos vendues bien en dessous de leur valeur

Tout commence en 1986, lorsque Mme Y… vend aux enchères publiques 50 photographies du célèbre Baldus pour 1000 francs pièce. Trois ans plus tard, en 1989, le même acquéreur, M. Z…, lui propose d’acheter à nouveau des clichés du photographe, 35 puis 50, au même prix dérisoire de 1000 francs l’unité.

Mme Y… ignore alors que Baldus est en réalité une sommité de la photographie et que ses œuvres valent en réalité une fortune. Lorsqu’elle l’apprendra, elle assignera M. Z… en nullité de la vente pour dol.

Le dol désigne en droit des contrats un vice du consentement, lorsqu’une personne est trompée par son cocontractant pour la pousser à conclure le contrat. On distingue classiquement le dol positif (des manœuvres frauduleuses) et le dol par réticence, lorsqu’une information importante est intentionnellement tue.

La question du silence de l’acheteur sur la valeur du bien

En première instance, le tribunal déboute Mme Y… de sa demande. Mais en appel, la cour d’Amiens lui donne raison et prononce la nullité de la vente pour dol, considérant que M. Z… avait manqué à son obligation de contracter de bonne foi en omettant d’informer la vendeuse de la véritable valeur des photographies.

L‘acquéreur forme alors un pourvoi en cassation sur cette question centrale : le silence de l’acheteur sur la valeur du bien peut-il constituer un dol ?

«J’avais acheté ces photos pour décorer mon studio. Je ne m’intéresse pas vraiment à la photographie, je ne pouvais pas deviner que ces clichés vaudraient des dizaines de milliers d’euros !», se défend M. Z… «On me reproche de ne pas avoir donné une information que je n’avais pas. Mais je n’ai pas menti, juste omis de dire quelque chose que j’ignorais» .

La réticence dolosive nécessite-t-elle une violation d’une obligation d’information ?

Pour la cour d’appel, M. Z… avait l’obligation d’informer Mme Y… du prix réel des photographies sur le marché de l’art. En taisant cette information, il a commis selon les juges une réticence dolosive. La Cour de cassation va casser cette décision, en affirmant qu’aucune obligation d’information ne pesait sur l’acquéreur quant à la valeur du bien.

Dès lors, son silence ne peut constituer un dol. Cet arrêt Baldus du 3 mai 2000 clarifie ainsi les règles en matière de consentement vicié : il ne peut y avoir de réticence dolosive qu’en cas de violation d’un devoir précontractuel d’information.

Bon à savoir : depuis 2016, le Code civil prévoit qu’il y a dol même sans obligation d’information préalable, si l’omission porte sur une information dont le cocontractant sait le caractère déterminant.

Un arrêt fondateur du droit des contrats toujours pertinent

Si cette solution concernant la nécessité d’une obligation d’information préalable pour caractériser le dol n’a pas été reprise par la réforme du droit des contrats de 2016, l’arrêt Baldus n’en demeure pas moins une décision majeure en matière de vices du consentement.

La Cour de cassation a réaffirmé à plusieurs reprises qu’aucun devoir d’information ne pèse sur l’acquéreur quant à la valeur du bien vendu. Par cet arrêt clé, la Haute juridiction a posé des principes essentiels en matière de loyauté contractuelle, qui guident toujours l’application du droit des contrats aujourd’hui.

Cet arrêt fondateur en droit des obligations est étudié par tous les étudiants en première année de licence. Il a permis de clarifier la notion de réticence dolosive et reste une référence pour les praticiens du droit comme pour les universitaires. Près de 20 ans après sa publication, l’arrêt Baldus continue donc d’éclairer les règles applicables en matière de validité des contrats et témoigne de l’importance de la jurisprudence dans la construction du droit positif.